Portrait de Christophe Badani, typographe de formation. Son parcours nous éclaire sur différents aspects de son métier et de l’importance de la calligraphie dans celui-ci.
Christophe Badani est né en 1969 à Marseille. Il y fait ses études dans le domaine des métiers du livre et obtient un CAP puis un BEP de photocompositeur*. Lors de sa formation, il aborde de nombreux aspects de la chaine graphique, dont la typographie au plomb*, mais aussi les balbutiements de la PAO*. Contraste saisissant entre une pratique traditionnelle de la typographie et la révolution numérique qui s’annonce ! En dépit des bouleversements dus à l’évolution technologique, un fil conducteur va guider Christophe tout au long de son parcours : sa passion pour la lettre.
Débuts professionnels
Sa première expérience professionnelle, qui se déroule à la Société Marseillaise de Publicité, lui permet d’expérimenter le Macintosh tout nouvellement acquis et dont il faut résoudre les soucis
de jeunesse. Expérience profitable pour la suite.
En effet, Christophe s’installe à Paris et intègre l’agence de publicité BBDO comme graphiste-maquettiste. Son savoir-faire typographique en fait le « typoman » de l’agence.
Parallèlement, Christophe développe son premier alphabet typographique baptisé Rough. Linotype, le fameux éditeur de typographie, l’intègre aussitôt à son catalogue ! Il est suivi, plus tard,
chez le même éditeur, d’une autre création baptisée Index. Encouragé par cette réussite, il décide de se consacrer essentiellement à la création typographique et s’installe comme graphiste
indépendant.
Des conférences, organisées par la société Agfa, éditeur de typographies numériques, permettent à Christophe de rencontrer et de côtoyer des typographes réputés, tels Olivier Nineuil,
Jean-François Porchez, Albert Boton…
Pratique de la calligraphie
Afin de parfaire ses connaissances, il suit des cours de calligraphie chez Scripsit (association de calligraphie latine) avec Véronique Sabard et Vincent Geneslay. Il est vrai que la typographie a pour origine la calligraphie. La forme des lettres, la répartition des pleins et des déliés et la notion de rythme sont inhérents au geste de la main qui écrit et à l’outil utilisé, la plume calligraphique. D’ailleurs, les premiers caractères typographiques au XVe siècle imitent tout simplement la calligraphie en la « figeant » dans le plomb. Les caractères classiques d’éditions que nous lisons tous les jours sont analogues à ceux des premiers livres imprimés en Italie. C’est dire le lien qui existe entre calligraphie et typographie. Bien sûr, pour les créateurs typographiques contemporains comme Christophe Badani, les formes d’origine calligraphiques ne sont pas une fin en soi. Un créateur moderne va « habiller » les lettres de bien des façons. Pour autant, le squelette des lettres ou la notion de rythme sont toujours les mêmes. Il s’agit là d’un code commun qui permet de lire l’alphabet latin depuis l’Antiquité.
Nous sommes au début des années 2000 et Christophe dessine sa première typographie de commande. Son expérience et sa maîtrise des outils informatiques lui permettent de développer, à la demande
de l’agence de design Seenk, une famille typographique complète pour la marque Lacoste. C’est le début d’une collaboration fructueuse qui fait d’ailleurs l’objet d’un livre présentant leurs
créations communes.
Il remporte également, en 2004, le Trophée d’Or Intergraphic de la création typographique, avec le caractère pour la société Ubisoft.
Par ailleurs, il enseigne depuis 2006, la typographie à l’Académie Charpentier, école de communication visuelle.
Depuis 2010 et parallèlement à son activité de créateur typographique, Christophe s’investit davantage dans la calligraphie par une démarche personnelle, plus intime, hors des codes
traditionnels. Il compose des calligraphies abstraites, comme pour revenir à l’essence même du tracé, avec liberté dans le geste et dans l’expression. Des compositions très colorées, comme un
pied de nez au typographe, qui lui, élabore ses créations exclusivement
en noir et blanc !
Serge Cortesi
* Photocomposition : il s’agit d’un ordinateur de composition de texte fonctionnant grâce à un principe photographique. Il se substitue peu à peu au plomb à partir
des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980.
Cette technique était utilisée uniquement par des entreprises en raison de son coût et disparaît à l’arrivée du Macintosh qui révolutionne et démocratise les métiers de la communication.
* Typographie au plomb : procédé inventé par Gutenberg en 1450 qui perdure jusqu’aux débuts des années 1980.
* PAO : Publication assistée par ordinateur. Cela consiste à fabriquer des documents destinés à l’impression à l’aide d’un ordinateur en lieu et place des procédés
historiques de la typographie et de la photocomposition.
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